25/07/2024 vududroit.com  3min #253405

1936-2024 : Fascisme Autorisé, Fascisme Interdit

Nouvelle contribution de Benoît Girard. Nous n'analysons pas le réel à partir du même endroit, il est girardien, je suis marxiste. Chacun constatera que cela n'empêche pas les convergences.

Régis de Castelnau

Dans la France de 2024, plutôt que de s'abîmer les yeux à distinguer la limite entre le fascisme et l'antifascisme, il vaudrait mieux s'interroger sur ce qui sépare encore le fascisme autorisé et le fascisme interdit.

« Fascisme autorisé » : celui d'un Nicolas Metzdorf, macroniste calédonien dit « loyaliste », qui déclarait tranquillement ce 24 juillet sur Sud Radio que la France en Outre Mer « n'avait pas l'ambition de ses moyens », c'est-à-dire qu'elle faisait preuve d'une mollesse coupable quand il s'agissait de donner l'ordre à la Légion de tirer dans la foule.

« Fascisme interdit » : celui des « prolos » à casquette nazie qu'un certain parti prétendument « patriote » s'obstine à présenter d'élections en élections en feignant à chaque fois la surprise, et qui n'est qu'une tentative des catégories déclassées pour s'approprier les codes culturels du fascisme autorisé. Dénoncer ce fascisme-là ne relève même plus de la morale mais du pur snobisme, de la chasse à la « faute de goût », à la « mouche dans le lait ».

Nous voici en pleine séquence mythologique, au sens le plus girardien du terme : le fascisme autorisé, c'est celui qui peut se donner libre cours aussi longtemps qu'il est interdit de désigner comme tel ; le fascisme interdit, c'est celui dont la désignation horrifiée préserve la bonne conscience collective et fait tenir debout tout l'édifice social (les fameuses « valeurs de la République » promues par les charlistes).

Ce constat n'a rien de cynique puisque le seul fait de nommer le processus, loin de nous enfermer à l'intérieur, nous libère de ses filets indémêlables et nous offre la clé performative d'un autre possible, d'une émancipation au-delà du ressentiment.

Deux remarques :

1) C'est avec le fascisme autorisé et ses donneurs d'ordre oligarchiques (la très « républicaine » Ursula von der Leyen) que les « islamo-gauchistes » de LFI se sont alliés pour opposer un « barrage » au « fascisme interdit ». Dont elle s'étonne ensuite qu'il lui lie les mains au bloc central. Et qui la contraint finalement à dénicher, en vue d'occuper Matignon, la pire déclinaison de sociaux-traîtres et de hauts-fonctionnaires transparents qu'on n'ait jamais vus depuis François Hollande et sa « guerre contre la finance » terminée en « Sedan du socialisme ».

2) Au même moment, les « JO » offrent un terrain de manœuvre pour tester en grandeur réelle la militarisation de la société sous le regard attendri et esthétisant des médias d'extrême-droite.

Bien plus qu'un cartel électoral, c'est ça et rien d'autre le « macro-lepénisme » en gestation : une situation dans laquelle la distinction droite-gauche ne parvient plus à ritualiser les conflits sociaux et où la République est obligée de s'assumer pour ce qu'elle a toujours été, à savoir un syndicat de préservation des positions acquises sous tutelle de l'étranger.

C'est ce qui explique le pas de deux du bloc central lors de la dernière séquence électorale. Fallait-il organiser le « barrage républicain » avec les « prolos » du RN contre l'« extrême gauche antisémite » au nom du « maintien de l'ordre » ? Ou avec les « bourgeois culturels » de LFI contre les « cassos » du RN au nom des distinctions sociales à préserver ?

Comme d'habitude, Macron a répondu : « en même temps ». Et le pire, c'est que des deux côtés de la farce on s'estime cocus mais contents.

De cette troublante confusion se dégage une atmosphère de 1936. Reste à savoir si nous sommes encore à Paris ou déjà à Berlin.

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